Carmen
de Bizet
Opéra-théâtre - Projet pédagogique
Orchestre Régional de Normandie
Direction musicale & arrangements : Alexandra Cravero
Mise en scène : Karine Laleu
Scénographie : Emilie Roy
Avec
Valéria Altaver (Micaëla)
Irina de Baghy (Carmen)
Thomas Bettinger (Don José)
Christian Moungoungou (Morales/Escamillo)
&
Les lycéens de l'option théâtre du lycée Marie Curie de Vire (la foule)
Costumes
Lycée Toqueville de Cherbourg (costumes solistes)
Lycée des sapins de Coutances (chapellerie)
Décors
Lycée J. Verne de Mondeville (ferronnerie)
Lycée la Roquelle de Coutances (bois)
Maquillage et coiffure
Conception : Analia Perego
Réalisation : lycée V. Lepine
Séville, autour de 1820. La belle et bohème Carmen séduit tour à tour le brigadier Don José et le met en défaut face à ses devoirs, puis le torero Escamillo, dont le sang ne fait qu’un tour ! L’Orchestre Régional de Normandie propose au public de découvrir ou redécouvrir l’un des opéras les plus joués au monde, avec pour défi de le présenter dans une version plus courte et accessible à tous. Une transposition moderne de cet opéra au sein d’un gang de rue où chaque personnage de la nouvelle de Mérimée trouvera sa place. La chef d’orchestre dirigera un ensemble composé de vingt-et-un musiciens, accompagnés par quatre chanteurs solistes, qui alterneront les épisodes chantés et parlés.
NOTE D'INTENTION
Mettre en scène Carmen …
La singularité de cette mise en scène vient du coeur du projet : travailler avec de jeunes lycéens.
Cette condition de départ a orienté mes recherches, m’a amenée à imaginer ce que serait cet opéra en y intégrant un groupe d’adolescents.
La contrainte de l’âge et celle de la conception des costumes a très rapidement imposé une transposition moderne.
Ce n’est pas toujours possible, ni forcément très heureux, mais Carmen est précisément le type d’opéra « mythe » qui peut être transposé à une autre époque, dans un autre milieu, tant que les enjeux sont respectés; parce que Carmen, au-delà de la fable exotique du XIXème, porte un symbole universel de désir, de liberté.
C’est le thème central de l’opéra. Carmen le clame haut et fort
- quand elle propose à Don Jose de la suivre et de déserter :
« Le ciel ouvert, la vie errante,
Pour pays l'univers, pour loi ta volonté,
Et surtout la chose enivrante,
La liberté! la liberté!… »
- lorsqu’elle se moque de Don Jose qui répond à l’appel du clairon; il rejoint l’ordre, la loi, donc
la contrainte qu’elle rejette de toutes ses forces :
« Ta ra ta ta!.... Mon Dieu, c'est la retraite!...
Je vais être en retard... » Il court, il perd la tête...
Et voilà son amour! »
- face à la jalousie de Don Jose :
« Je ne veux pas être tourmentée... ni, surtout, commandée. Ce que je veux, c'est être libre et faire
ce qu'il me plaît. »
- et face à la mort :
« Jamais Carmen ne cédera...
Libre elle est née... et libre elle mourra! »
Mérimée, que les librettistes Meillac et Halevy ont pris soin de respecter, était passionné par le peuple gitan.
Il est ici question d’un peuple d’émigrés (et migrants), confrontés à une impossibilité d’intégration - due en partie à la différence des cultures (langue, comportements, culture nomade,…) et à leur stigmatisation (physionomie, vêtements,…) - donc rejetés et soumis à des persécutions dans les différents pays qu’ils traversent, terres de non-accueil.
En réaction, et pour se protéger, le clan se replie sur lui-même, réaffirme son identité et sa différence, s’organise, se hiérarchise, et, ici, plonge dans la délinquance et le crime (vols, contrebande,…) : seule source de revenu et moyen de clamer avec violence son désaccord. Braver les lois d’une société, c’est en rejeter le fondement et, dans une certaine logique, revendiquer la liberté.
La nouvelle de Mérimée dépeint un monde de pauvreté et de violence souvent édulcoré dans l’adaptation de l’opéra pour laisser la place à l’exotisme. La musique de Bizet, brillante et « espagnolisante », n’élude pourtant en aucun cas cette noirceur.
Ces thèmes m’ont amenée à me pencher sur les gangs latinos - comme les Latin Kings et la Mara Salvatrucha. Cette dernière est composée d’émigrés du Salvador, qui à l’origine, fuyant la guerre dans leur pays, se sont exilés aux Etats-Unis, ont été persécutés et rejetés par la communauté blanche et
la communauté noire qui s’y opposaient alors dans la rue, se sont regroupés pour former un clan fort et sont devenus l’un des gangs les plus redoutés du pays. Aujourd’hui, ils ont également migré en Europe et on les retrouve nombreux en Espagne.
Leur situation est proche de celle des gitans décrits dans l’opéra, on y retrouve les mêmes enjeux et les mêmes comportements, le même engrenage; les membres sont initiés très jeunes et ont malheureusement en général une vie courte. L’intégration d’un groupe d’adolescents prend ici tout son sens.
Nous allons donc travailler sur la transposition de cet opéra au sein d’un gang de rue fictif inspiré de ces gangs existants (l’idée n’étant pas de faire un reportage réaliste mais de mettre en lumière les enjeux) et sur son opposition aux militaires représentant la loi du pays.
Nous garderons l’esprit de l’uniforme (base noire et éléments de couleurs jaune et rouge, couleurs de l’Espagne), ainsi que leur marque physique : tatouages jusque sur le visage.
Chaque personnage y trouve sa place :
Carmen appartient à ce clan. Son surnom de « Gitane » est une appellation du gang, dévoilant
ses talents ;
Escamillo, un combattant de rue invaincu, idole du gang et dont le nom de « Torero » évoque
les noms de scène des catcheurs, ou des boxeurs célèbres (Mohamed Ali « The Greatest », Marcel Cerdan « Le bombardier de Casablanca »);
Micaëla, une jeune fille Basque, croyante, qui ne connait pas l’exil et qui est protégée de ce choix, amoureuse de Don Jose et tentant de le ramener sans cesse à ses racines;
Don Jose, exilé Basque, demeure le militaire déserteur déchiré entre sa passion et son devoir, sa terre natale et sa patrie d’adoption, sa raison et sa folie…
Le travail avec ces adolescents apporte ainsi une dimension supplémentaire à l’opéra, une nouvelle façon de le mettre en lumière.
Karine Laleu
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